Avant-première du film documentaire Hnifa, une vie brûlée
Zoubida ou la révoltée à l’âme fêlée
« Je préfère mourir de faim que de vivre dans la servitude », Hnifa de son vrai nom Zoubida Ighil Larbaâ (témoignage de Kamal Hamadi).
La salle de cinéma Algeria à Alger a accueilli, mercredi dernier, l’avant-première du film documentaire Hnifa. Une vie brûlée, réalisé par Ramdane Iftini et Sami Allam. L’œuvre en question a obtenu le prix Olivier d’or du meilleur film documentaire lors du huitième festival du film amazigh qui s’est déroulé du 9 au 13 du mois en cours à Sétif. Elle retrace en une heure la vie de la chanteuse kabyle Hnifa. Le parcours de la chanteuse n’est pas décrit cependant, d’une manière linéaire et segmentaire. La vie de l’artiste a été intégrée dans un tissu vivant, le tissu social. Dans cet esprit, est ressuscitée l’atmosphère de la Kabylie, Alger notamment La Casbah, et Paris, où Hnifa a vécu. Atmosphère reconstituée non sans clins d’œil à L’hadj M’hamed El Anka, L’hadj Mrizek, L’hadj Mnouar, Mohamed Iguerbouchène, M’hamed Issiakhem, Amraoui Missoum, le chanteur tunisien El Djamoussi, Bachtarzi, Slimane Azem, Saâdaoui Salah, Fadhila Dziria, Chrifa, Djamila, Nouara, Meriem Fekkaï, Mohamed Amouche, Cheikh Noureddine, Arab Ouzellaguène, entre autres. Artistes ancrés dans le vécu social des Algériens durant la période coloniale et post-indépendance. Le film s’ouvre avec un « pré-générique » sur la Kabylie des années 1970, à travers un groupe de jeunes qui s’isole dans la montagne pour écouter sur un tourne-disque des chansons de Hnifa. Chanter ou écouter la musique au village signifie atteinte aux conventions sociales. Le documentaire se contente de deux témoignages sur Hnifa. A savoir, une des amies d’enfance de la chanteuse et l’auteur compositeur Kamal Hamadi. Cela obéit au souci de privilégier l’image sur le texte et l’expression orale de manière à ce que ces derniers ne la noient pas et ne l’étouffent pas. La parole ne vient que pour soutenir l’image, lui inoculer juste ce qu’il faut de sève pour savoir ce que parler veut dire. Des extraits de chansons de Hnifa sont intégrés dans le documentaire, traduisant les affres de l’exil, l’amour désenchanté, le condition de la femme. Hnifa a aussi évoqué sa propre expérience. Dans Leghna (le chant), elle dit : « Ce ne sont pas des chansons Mais ce que j’ai enduré J’ai ramené petite, ma fille elle a souffert avec moi
Je suis exilée on a dit qu’elle était morte s’arrêtant de porte à porte Soeurs, pour ma chère je n’abandonnerai pas le pays Je suis exilée on a dit qu’elle ont honnie je suis l’oiseau de nuit (la chauve-souris) Allant de porte à porte (…) Dans Sidi Abderrahmane (1), elle chante :
« Oh ! Sidi Abderrahmane fais revenir l’exilé aux siens Frères, j’ai marché le long de la route Deux oiseaux m’ont interpellé Oh ! fille Pourquoi tes paroles n’ont plus de sens ? A cause de mon chéri Il m’a laissée pour aller traverser sur un bateau (…) Frères, j’ai marché le long de la route tanina (2) m’a interpellée Oh, fille pourquoi tu ne reconnais plus la plaine ? A cause de mon chéri Le jour de l’Aïd, il n’est pas venu Oh ! Sidi Abderrahmane Fais revenir l’exilé aux siens (…)
Paris aux yeux des femmes de l’époque dévore les hommes et en fait des égarés. Combien sont-ils ces maris qui abandonnent femmes et enfants, deviennent des déracinés, envoûtés par faux délices d’une vie de bohème :
« Si tu veux on te jurera par Sidi Hellal Ton mari à Paris fréquente une femme en pantalon la Kabyle qui a tant enduré est destinée au bétail
L’amour blessé, la séparation et les déceptions peuvent s’effacer par la sagesse, le pardon :
« Oh ! gens si je pleure j’aurais raison Ma peine déborde mon état fait pitié les malheurs m’accablent mon cœur se déchire et déborde de larmes Ainsi veut ma chance mes lumières se sont éteintes c’est mon tribut je t’ai pardonné au fond du cœur j’ai tout oublié (…)
Les chansons de Hnifa détruisent les écrans que la société a érigés pour protéger par des euphémismes ses conventions. Une société compartimentée où la gérontocratie impose sa raison, le « nous » étouffe l’individu et l’homme domine la femme. Ce sont entre autres indices sociologiques mis en lumière par Hnifa. Notons que Hnifa, de son vrai nom Zoubida Ighil Larbaâ, est née le 4 avril 1924 à Ighil Mahni à Azeffoun (Kabylie). Son premier mariage date de 1939 et fut un échec. Elle fuit son domicile conjugal et, après son second mariage, elle fugue en compagnie de sa fille pour Alger. Elle intègre la radio en 1952. En 1953, elle enregistre ses premiers 45 tours chez Pathé Falconi. Après des années de radio et un troisième mariage marqué aussi par l’échec, elle part en France. En 1959, elle enregistre en duo avec Kamal Hamadi la chanson Yidem (Avec toi). En 1962, elle regagne l’Algérie. Elle repart s’installer en France en 1975. Elle donne son dernier concert en novembre 1978 à la Mutualité de Paris. Elle meurt à Paris le 23 novembre 1981. Outre Kamal Hamadi qui lui a composé une quinzaine de chansons, elle a travaillé avec d’autres chefs d’orchestre de renom, que sont Missoum et Iguerbouchène.
(1) Saint patron d’Alger
(2) Tanina, femelle du faucon (el vaz)
Amnay idir
Zoubida ou la révoltée à l’âme fêlée
« Je préfère mourir de faim que de vivre dans la servitude », Hnifa de son vrai nom Zoubida Ighil Larbaâ (témoignage de Kamal Hamadi).
La salle de cinéma Algeria à Alger a accueilli, mercredi dernier, l’avant-première du film documentaire Hnifa. Une vie brûlée, réalisé par Ramdane Iftini et Sami Allam. L’œuvre en question a obtenu le prix Olivier d’or du meilleur film documentaire lors du huitième festival du film amazigh qui s’est déroulé du 9 au 13 du mois en cours à Sétif. Elle retrace en une heure la vie de la chanteuse kabyle Hnifa. Le parcours de la chanteuse n’est pas décrit cependant, d’une manière linéaire et segmentaire. La vie de l’artiste a été intégrée dans un tissu vivant, le tissu social. Dans cet esprit, est ressuscitée l’atmosphère de la Kabylie, Alger notamment La Casbah, et Paris, où Hnifa a vécu. Atmosphère reconstituée non sans clins d’œil à L’hadj M’hamed El Anka, L’hadj Mrizek, L’hadj Mnouar, Mohamed Iguerbouchène, M’hamed Issiakhem, Amraoui Missoum, le chanteur tunisien El Djamoussi, Bachtarzi, Slimane Azem, Saâdaoui Salah, Fadhila Dziria, Chrifa, Djamila, Nouara, Meriem Fekkaï, Mohamed Amouche, Cheikh Noureddine, Arab Ouzellaguène, entre autres. Artistes ancrés dans le vécu social des Algériens durant la période coloniale et post-indépendance. Le film s’ouvre avec un « pré-générique » sur la Kabylie des années 1970, à travers un groupe de jeunes qui s’isole dans la montagne pour écouter sur un tourne-disque des chansons de Hnifa. Chanter ou écouter la musique au village signifie atteinte aux conventions sociales. Le documentaire se contente de deux témoignages sur Hnifa. A savoir, une des amies d’enfance de la chanteuse et l’auteur compositeur Kamal Hamadi. Cela obéit au souci de privilégier l’image sur le texte et l’expression orale de manière à ce que ces derniers ne la noient pas et ne l’étouffent pas. La parole ne vient que pour soutenir l’image, lui inoculer juste ce qu’il faut de sève pour savoir ce que parler veut dire. Des extraits de chansons de Hnifa sont intégrés dans le documentaire, traduisant les affres de l’exil, l’amour désenchanté, le condition de la femme. Hnifa a aussi évoqué sa propre expérience. Dans Leghna (le chant), elle dit : « Ce ne sont pas des chansons Mais ce que j’ai enduré J’ai ramené petite, ma fille elle a souffert avec moi
Je suis exilée on a dit qu’elle était morte s’arrêtant de porte à porte Soeurs, pour ma chère je n’abandonnerai pas le pays Je suis exilée on a dit qu’elle ont honnie je suis l’oiseau de nuit (la chauve-souris) Allant de porte à porte (…) Dans Sidi Abderrahmane (1), elle chante :
« Oh ! Sidi Abderrahmane fais revenir l’exilé aux siens Frères, j’ai marché le long de la route Deux oiseaux m’ont interpellé Oh ! fille Pourquoi tes paroles n’ont plus de sens ? A cause de mon chéri Il m’a laissée pour aller traverser sur un bateau (…) Frères, j’ai marché le long de la route tanina (2) m’a interpellée Oh, fille pourquoi tu ne reconnais plus la plaine ? A cause de mon chéri Le jour de l’Aïd, il n’est pas venu Oh ! Sidi Abderrahmane Fais revenir l’exilé aux siens (…)
Paris aux yeux des femmes de l’époque dévore les hommes et en fait des égarés. Combien sont-ils ces maris qui abandonnent femmes et enfants, deviennent des déracinés, envoûtés par faux délices d’une vie de bohème :
« Si tu veux on te jurera par Sidi Hellal Ton mari à Paris fréquente une femme en pantalon la Kabyle qui a tant enduré est destinée au bétail
L’amour blessé, la séparation et les déceptions peuvent s’effacer par la sagesse, le pardon :
« Oh ! gens si je pleure j’aurais raison Ma peine déborde mon état fait pitié les malheurs m’accablent mon cœur se déchire et déborde de larmes Ainsi veut ma chance mes lumières se sont éteintes c’est mon tribut je t’ai pardonné au fond du cœur j’ai tout oublié (…)
Les chansons de Hnifa détruisent les écrans que la société a érigés pour protéger par des euphémismes ses conventions. Une société compartimentée où la gérontocratie impose sa raison, le « nous » étouffe l’individu et l’homme domine la femme. Ce sont entre autres indices sociologiques mis en lumière par Hnifa. Notons que Hnifa, de son vrai nom Zoubida Ighil Larbaâ, est née le 4 avril 1924 à Ighil Mahni à Azeffoun (Kabylie). Son premier mariage date de 1939 et fut un échec. Elle fuit son domicile conjugal et, après son second mariage, elle fugue en compagnie de sa fille pour Alger. Elle intègre la radio en 1952. En 1953, elle enregistre ses premiers 45 tours chez Pathé Falconi. Après des années de radio et un troisième mariage marqué aussi par l’échec, elle part en France. En 1959, elle enregistre en duo avec Kamal Hamadi la chanson Yidem (Avec toi). En 1962, elle regagne l’Algérie. Elle repart s’installer en France en 1975. Elle donne son dernier concert en novembre 1978 à la Mutualité de Paris. Elle meurt à Paris le 23 novembre 1981. Outre Kamal Hamadi qui lui a composé une quinzaine de chansons, elle a travaillé avec d’autres chefs d’orchestre de renom, que sont Missoum et Iguerbouchène.
(1) Saint patron d’Alger
(2) Tanina, femelle du faucon (el vaz)
Amnay idir