2e Festival national de la création féminine à Alger
La broderie à l’état pur
C’est parce que la broderie algérienne existe depuis des millénaires qu’elle sera exhumée au parfum du jour en l’espace de sept jours, pour tenter de percer certains pans de ses secrets.
Cette deuxième édition du Festival national de la création féminine qui se tient du 18 au 31 de ce mois au somptueux Palais des Raïs, à Alger, est une aubaine pour les nombreux intéressés de découvrir les arcanes de la célèbre broderie algérienne. Lors de la première édition, un intérêt particulier avait été accordé au tissage. Un tissage magnifié qui avait alors révélé l’apport esthétique des broderies sur toute pièce de tissu. De là, justement, s’est établi le lien avec la présente édition, centrée exclusivement sur la broderie. La commissaire du festival, Mme Hamida Agsous, a souligné, lors de la conférence de presse quatre jours avant l’inauguration, que «la broderie est un art féminin, répondant à un besoin esthétique».
Poussant plus loin son argumentaire, elle a estimé «que la broderie est un art de vivre qui contribue à la promotion des cultures des pays du bassin de la Méditerranée.» «L’objectif de la tenue d’un festival, dira-t-elle, est justement de promouvoir des créations des artisanes algériennes en vue de favoriser leur insertion dans la production culturelle du pays». Cette manifestation pourrait prendre une dimension à caractère maghrébin ou international, lors des prochaines éditions, dans le but de faire connaître les créations de la femme algérienne en broderie qui tend, de plus en plus, à concilier authenticité et modernité». Le coup d’envoi de cette manifestation, organisé sous le thème : «Broderie, la fil’harmonie», a été donné mercredi dernier par la ministre de la Culture, en présence d’une assistance féminine nombreuse. Il a été procédé à l’inauguration de différentes expositions baptisées : «Voir et s’émerveiller» suivies d’un concert animé par les étudiantes de l’Institut national supérieur de musique (INSM) et de l’Institut régional de formation musicale (IRFM) d’Alger.
Ouvert au public de 10h à18h, ce festival offre un programme d’activités des plus riches. Une affluence considérable du public a été enregistrée durant ce week-end. Les trois expositions qui se tiennent au Palais 18 et 23 ont suscité intérêt et curiosité. La première exposition lève le voile sur les merveilles de la broderie à travers les œuvres de trente et une brodeuses algériennes, venues des quatre coins de l’Algérie, représentatives des principaux styles et genres d’une tradition séculaire. La deuxième exposition est une incursion furtive dans la découverte des créations méditerranéenne et africaine avec en prime la participation de brodeuses italiennes, burkinabés et turques. La troisième exposition porte sur la créativité contemporaine et l’héritage patrimonial dans le design. Tout autour de ces expositions viennent se greffer d’autres activités permanentes ou exceptionnelles.
La musique occupera une place de choix. Après le concert donné jeudi par l’artiste Rym Hakiki, un autre rendez-vous musical est à retenir, demain à partir de 17h, avec une qâada traditionnelle, animée par la chanteuse Hassiba Abderraouf et les comédiennes Aïda Guechoud et Bahia Rachedi. Une sexagénaire nous confie que ce genre d’événements fait ressurgir des souvenirs lointains irrévocables. «Le décor me fait plonger dans un passé révolu à jamais. Etant moi-même une ancienne brodeuse, cette petite virée m’a apportée beaucoup de bien. J’ai découvert de nouvelles techniques qui se font ailleurs. La broderie algérienne est riche en motifs et en points», témoigne-t-elle. Le point fort de ce festival est, incontestablement, la tenue de conférences et rencontres centrées sur le patrimoine et la pratique de la broderie en Algérie.
La maîtresse brodeuse Mina Kadri Chekchak présentera aujourd’hui, à 15h, une conférence sur «l’art du mejboud : broderie d’or et de lumière». Spécialiste du medjboud depuis trente-deux ans, cette artiste est convaincue que le medjboud fait partie des styles de broderie les plus exigeants par la technicité et la minutie qu’ils impliquent. Installée à Baraki, Mina Kadri a formé plus de 300 jeunes filles à son art. Elle s’inspire de la broderie traditionnelle pour créer ses propres motifs et modèles de vêtements qu’elle produit à raison de deux ou trois pièces par an. Un workshop intitulé : «Comment accompagner les développements de cet art» est également programmé aujourd’hui à 16h, avec la participation des brodeuses, des importateurs de matières premières, des industriels du textile et des représentants de la Chambre des métiers d’Alger.
Tout au long de ce festival, d’autres conférences seront étayées sur thème : «Le costume masculin à Alger à l’époque ottomane» par Cherifa Hanafi, «Les broderies algériennes à l’époque ottomane» par Cherifa Tayenne et «Le chaos et la souris, de la broderie au design» par Hania Zazoua. Ce festival se clôturera en apothéose au Palais de la Culture avec un défilé de mode qui regroupera une palette de dix stylistes et artisanes algériennes et étrangères. Ces dernières présenteront une partie de leurs nouvelles collections où à coup sûr, la broderie brillera de tous ses éclats.
Nacima Chabani