La fondation Casbah tire la sonnette d’alarme
L’ancienne citadelle se meurt
La Casbah continue à être le jouet des décideurs qui, suivant les circonstances, décident de commencer ou d’arrêter tel chantier.
La revue aménagement et histoire Amenhis, que dirige notre ami M’hamed Sahraoui, a consacré dans sa dernière livraison un empoignant reportage à La Casbah d’Alger. C’est avec un immense plaisir que nous nous sommes permis de reprendre le témoignage saisissant sur El-Djazaïr Beni Mezghenna qui constitue bel et bien le centre historique de la capitale. Pour le comité du patrimoine mondial de l’Unesco, qui l’a inscrite en 1992 sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité, La Casbah d’Alger est un extraordinaire exemple de ville historique maghrébine avec les particularités propres au site naturel et à l’histoire de la ville. Lieu de mémoire autant que d’histoire, elle comprend des vestiges de la citadelle, des mosquées anciennes, des palais ottomans, ainsi qu’une structure urbaine traditionnelle associée à un grand sens de la communauté. Imprenable forteresse d’Alger sous le régime de la Régence turque par une ouverture sur la mer avec sa façade maritime, La Casbah ou la citadelle aux mille canons, comme on l’appelait jadis, était constituée, avant l’occupation française en 1830, de pas moins de 8 000 maisons, 122 mosquées, 50 hammams et plus d’une centaine de fontaines. Tout le site étant lové dans une superficie de 54 hectares. Selon les historiens contemporains, la première fracture fut l’œuvre de l’occupant colonial : dès 1831, 900 maisons, symboles d’une architecture et d’un savoir-faire sans pareils, seront démolies, défigurant le tissu urbain de la citadelle. Le massacre va continuer en 1845/1846 par un plan général de la ville d’Alger, qui commencera par l’éventration de La Casbah avec le projet de la Lyre, la restructuration de la rue Bab Azzoun en aval de la médina et la création du boulevard de la Victoire en amont, cernant ainsi la vieille cité. Pour marquer la présence de la France occupante, une place d’Armes sera dédiée au gouvernement français et qui remplacera le vieux centre d’El Djazaïr Beni Mezghenna. En 1962, plus de 7 000 maisons auront disparu, du fait d’un objectif permanent poursuivi par la colonisation, de défiguration afin d’effacer toute trace et image d’un lieu véhiculant sa propre histoire et sa culture. Après 1962, le désintérêt pour l’empreinte éminemment historique de La Casbah fut sans équivoque de la part des pouvoirs publics. Contrairement à nos pays voisins, où les médinas de Tunis et de Rabat furent érigées en hauts lieux touristiques et d’histoire, La Casbah fut laissée à son triste sort de vieux quartier envahi par l’un des mouvements les plus anarchiques d’exode d’après-indépendance. Dès les années 1970, elle se présente comme étant l’un des plus hauts lieux de la misère et de l’insécurité en Algérie, et après le déferlement de l’intégrisme et du terrorisme durant les années 1990, comme étant l’un des quartiers les moins fréquentables de la capitale. Véritable nid de terros, abandonnée à elle-même par les autorités locales et à nouveau par ses habitants. Les ordures s’entassèrent. Des dizaines d’immeubles s’affaissèrent. Ce n’est qu’en 1999 que fut prise la décision de lancer un plan de sauvegarde. Un gros travail consistait à conforter, à revoir l’éclairage, à enlever les gravats, à assainir les réseaux d’eau potable et à curer les puits.
Quelques années après, le comité du patrimoine mondial de l’Unesco félicite l’Algérie pour avoir entrepris l’ensemble des actions visant à la sauvegarde de La Casbah. Est-ce à dire que l’ancienne citadelle aux mille canons est sauvée ? Hélas, ce n’est pas si sûr ! L’arsenal de textes juridiques, tels que la loi n° 98-04 ou le décret exécutif n° 03-324, existe certes, mais La Casbah demeure éternellement en cours de restauration. Pourquoi ? L’essentiel est qu’en vérité, rien n’est fait de manière sérieuse pour une question d’une aussi brûlante actualité pour l’avenir culturel et identitaire du pays. La Casbah est un site toujours menacé et continue à être le jouet des décideurs qui, suivant les circonstances, décident de commencer ou d’arrêter tel chantier, mais La Casbah ne sait et ne peut attendre, fait savoir la fondation Casbah. Comme elle interpelle le président de la République en proposant la nomination d’un responsable ou d’un commissaire chargé de La Casbah rattaché directement à la présidence de la République. La Casbah appartient à tous les Algériens et il appartient à tous les Algériens de la sauver.
ALI FARES
L’ancienne citadelle se meurt
La Casbah continue à être le jouet des décideurs qui, suivant les circonstances, décident de commencer ou d’arrêter tel chantier.
La revue aménagement et histoire Amenhis, que dirige notre ami M’hamed Sahraoui, a consacré dans sa dernière livraison un empoignant reportage à La Casbah d’Alger. C’est avec un immense plaisir que nous nous sommes permis de reprendre le témoignage saisissant sur El-Djazaïr Beni Mezghenna qui constitue bel et bien le centre historique de la capitale. Pour le comité du patrimoine mondial de l’Unesco, qui l’a inscrite en 1992 sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité, La Casbah d’Alger est un extraordinaire exemple de ville historique maghrébine avec les particularités propres au site naturel et à l’histoire de la ville. Lieu de mémoire autant que d’histoire, elle comprend des vestiges de la citadelle, des mosquées anciennes, des palais ottomans, ainsi qu’une structure urbaine traditionnelle associée à un grand sens de la communauté. Imprenable forteresse d’Alger sous le régime de la Régence turque par une ouverture sur la mer avec sa façade maritime, La Casbah ou la citadelle aux mille canons, comme on l’appelait jadis, était constituée, avant l’occupation française en 1830, de pas moins de 8 000 maisons, 122 mosquées, 50 hammams et plus d’une centaine de fontaines. Tout le site étant lové dans une superficie de 54 hectares. Selon les historiens contemporains, la première fracture fut l’œuvre de l’occupant colonial : dès 1831, 900 maisons, symboles d’une architecture et d’un savoir-faire sans pareils, seront démolies, défigurant le tissu urbain de la citadelle. Le massacre va continuer en 1845/1846 par un plan général de la ville d’Alger, qui commencera par l’éventration de La Casbah avec le projet de la Lyre, la restructuration de la rue Bab Azzoun en aval de la médina et la création du boulevard de la Victoire en amont, cernant ainsi la vieille cité. Pour marquer la présence de la France occupante, une place d’Armes sera dédiée au gouvernement français et qui remplacera le vieux centre d’El Djazaïr Beni Mezghenna. En 1962, plus de 7 000 maisons auront disparu, du fait d’un objectif permanent poursuivi par la colonisation, de défiguration afin d’effacer toute trace et image d’un lieu véhiculant sa propre histoire et sa culture. Après 1962, le désintérêt pour l’empreinte éminemment historique de La Casbah fut sans équivoque de la part des pouvoirs publics. Contrairement à nos pays voisins, où les médinas de Tunis et de Rabat furent érigées en hauts lieux touristiques et d’histoire, La Casbah fut laissée à son triste sort de vieux quartier envahi par l’un des mouvements les plus anarchiques d’exode d’après-indépendance. Dès les années 1970, elle se présente comme étant l’un des plus hauts lieux de la misère et de l’insécurité en Algérie, et après le déferlement de l’intégrisme et du terrorisme durant les années 1990, comme étant l’un des quartiers les moins fréquentables de la capitale. Véritable nid de terros, abandonnée à elle-même par les autorités locales et à nouveau par ses habitants. Les ordures s’entassèrent. Des dizaines d’immeubles s’affaissèrent. Ce n’est qu’en 1999 que fut prise la décision de lancer un plan de sauvegarde. Un gros travail consistait à conforter, à revoir l’éclairage, à enlever les gravats, à assainir les réseaux d’eau potable et à curer les puits.
Quelques années après, le comité du patrimoine mondial de l’Unesco félicite l’Algérie pour avoir entrepris l’ensemble des actions visant à la sauvegarde de La Casbah. Est-ce à dire que l’ancienne citadelle aux mille canons est sauvée ? Hélas, ce n’est pas si sûr ! L’arsenal de textes juridiques, tels que la loi n° 98-04 ou le décret exécutif n° 03-324, existe certes, mais La Casbah demeure éternellement en cours de restauration. Pourquoi ? L’essentiel est qu’en vérité, rien n’est fait de manière sérieuse pour une question d’une aussi brûlante actualité pour l’avenir culturel et identitaire du pays. La Casbah est un site toujours menacé et continue à être le jouet des décideurs qui, suivant les circonstances, décident de commencer ou d’arrêter tel chantier, mais La Casbah ne sait et ne peut attendre, fait savoir la fondation Casbah. Comme elle interpelle le président de la République en proposant la nomination d’un responsable ou d’un commissaire chargé de La Casbah rattaché directement à la présidence de la République. La Casbah appartient à tous les Algériens et il appartient à tous les Algériens de la sauver.
ALI FARES