El Kala
Une princesse en guenilles
Nombre, même approximatif. On ose un 60 000 du côté de l’APC pour laquelle la population de la ville a tout simplement quintuplé au vu des 90 tonnes d’ordures récoltées chaque jour.
Une chose est sûre, c’est complet partout, dans la dizaine d’hôtels que compte la ville, dans les pensions de famille ou colonies de vacances, des cubes à plusieurs étages avec de nombreuses fenêtres qui ont fleuri comme des champignons dans les campings, chez l’habitant, dans les garages et les villas encore en carcasses que certains locaux continuent de sous-louer sans vergogne, faisant fi du confort et de l’hygiène. Une natte jetée à même le sol en guise de couche, un jerrican d’eau pour se débarbouiller, et pour se soulager, c’est là où on peut. Même les établissements scolaires n’ont pas été épargnés par cette déferlante qui clochardise ces lieux sacrés du savoir et de l’éducation. Ceux qui ne trouvent pas de gîte se rabattent sur les plages pour passer la nuit à la belle étoile. Et les étoiles, il n’en manque pas justement dans le magnifique ciel du mois d’août baigné par la clarté lunaire.
Du monde aussi dans les rues où les encombrements sont spectaculaires, de jour comme de nuit. Des files de voitures comme on n’en a encore jamais vues. Il faut s’y prendre à temps pour faire les courses au centre-ville complètement congestionné par un plan de circulation dénué de tout bon sens, débile disent certains, et auquel il faut ajouter les extravagances des taxieurs, des frimeurs et des fils à papa qui échappent à la sanction, bien entendu. Mais El Kala, c’est aussi la splendide nature qui l’entoure, censée avoir été mise sous protection avec le parc national qui porte son nom mais qui a définitivement perdu cette distinction depuis qu’il a été profondément balafré par l’autoroute Est-Ouest. Ce sont ces collines boisées entre lesquelles se sont installés les plans d’eau scintillants comme la lagune de Mellah ou verdoyants comme les marais du Tonga. Ils font la renommée de la région bien au-delà de nos frontières à cause du spectacle qu’ils offrent certes, mais surtout pour l’inestimable richesse biologique qu’ils renferment. Tout cet ensemble baigné dans la mer le long d’un fabuleux rivage formé d’une succession de criques rocheuses et de plages au sable d’or. Elles ont l’inconvénient d’être petites et étroites et de ne plus résister aux effets dévastateurs de la surfréquentation. Des vacanciers avouent avoir rebroussé chemin pour ne pas avoir trouvé de place dans les parkings. On peut aujourd’hui en faire le tour avec ces routes ouvertes, mais qui sont autant de menaces pour ce magnifique coin du pays. De jolies petites routes jalonnées, hélas, de sachets d’ordures dont les automobilistes se débarrassent en les jetant tout bonnement par la vitre.
On dit des milliers, mais nul ne sait le nombre exact. Indéniablement, il fait bon vivre à El Kala qui a tout pour réussir et donner du bonheur, autant à ses résidants qu’à ses visiteurs, à la seule condition de préserver la généreuse nature qui l’entoure. Pour s’en convaincre, une promenade le soir. Tout le monde est dehors. Les plus vieux restent sur le seuil de leur porte et le reste des familles sortent en groupe pour aller, qui sur les corniches comme la toute nouvelle qui vient d’être aménagée entre la Pointe du chacal et la digue du port — un petit chef-d’œuvre qui a été pris d’assaut —, qui le long de la plage du Mordjane d’où l’on peut voir, sur le sable, des gens attablés qui sirotent un thé en fumant la chicha. C’est autour du fortin que c’est plus calme. Car on est dans le bain de la fête sans les inconvénients de ses décibels. Ceux prodigués par la fête perpétuelle du cours de la Révolution. Une allée ornée de palmiers, noire de monde, et où se rejoignent aussi tous les petits vendeurs de souvenirs faits de coquillages ou de bois. Elle surplombe les eaux du port dans lesquelles dansent les reflets. C’est là aussi qu’on dresse l’estrade pour les artistes, qui, pendant 10 jours, ont mis du baume au cœur et donné de la joie à une foule en délire. « Ce n’est plus la fête du corail, mais la fête d’El Kala », tient à préciser le P/APC, Hocine Berrebib, pour bien marquer la distance prise avec le pillage du corail qui enrichit ostensiblement certains, mais n’honore pas la ville.
Mais de quoi parle tout ce monde lorsqu’il se retrouve ? De tout et de rien bien entendu, mais la discussion aboutit inexorablement sur la saleté qui envahit toute la ville et ses alentours. Au café, dans les fêtes familiales, dans la rue avec des inconnus, tout le monde aborde la conversation avec une mine de dé- goût : « El Kala, c’est fantastique, mais c’est sale. » Il y a unanimité autour de ce constat qui ne date pourtant pas de cette année. « Les plages sont merveilleuses, mais pleines de détritus parfois infects », rapportent ceux qui déplorent amèrement ce gâchis. « El Kala, c’est une princesse en guenilles », la qualifiera un amoureux fou de la région, profondément affecté par la dégradation de la ville et celle causée par l’autoroute dans le parc. « C’est la faute à l’APC. Elle gaspille le peu d’énergie qu’elle a dans des luttes stériles », crie la rue exaspérée par les tas d’immondices qui pullulent dans les quartiers. « Trop facile de pointer le doigt vers la commune dont les moyens sont limités. La population a une grande part de responsabilité. Elle se cache derrière les défaillances de l’Etat pour couvrir les siennes », répliquent ceux qui sont révoltés par l’absence d’éducation et l’incivisme de leurs concitoyens. Enfin, il y a ceux qui disent : « nous sommes tous responsables. Aucun ne joue pleinement son rôle, ni l’APC, ni l’Etat, ni les associations et encore moins le simple citoyen. La guerre contre la saleté on doit la mener tous ensemble, chacun selon ses moyens et de front. »
C’est le plus sage. En effet, « l’APC d’El Kala n’a pas les moyens et les ressources pour faire face au problème que pose la récolte des ordures ménagères », nous expliquera le P/APC qui contient difficilement sa colère. « Nous sommes seuls face aux épineux problèmes que nous impose la saison estivale. Je me demande où sont passées toutes ces directions de wilaya qui assistent à la préparation et qu’on ne revoit plus, à l’instar de celle de l’environnement et du tourisme. Nous avons 80 km de rues et 600 impacts d’ordures ménagères à traiter avec une trentaine d’employés et une demi-douzaine de véhicules qui ont fait leur temps. Nous travaillons d’arrache-pied et sans relâche, même les jours fériés et les week-ends, pour ne collecter qu’une partie des 90 tonnes/jour qui sont déposées quotidiennement. Nous avons donné la priorité au centre-ville, parce que c’est le plus fréquenté, sachant que nous allons devoir faire face à la réprobation de nos concitoyens dans les quartiers. Sans oublier les citoyens et les commerçants qui jettent leurs ordures à n’importe quelle heure, ou encore le vol des bacs à ordures que nous avons payés les uns en métal à 90 000 DA/ pièce, et ceux en plastique à 30 000 DA. » Hocine Berrebib s’interroge sur le fait que les pouvoirs publics classent El Kala sur la liste des destinations les plus prisées en saison estivale, mais lui refusent certains avantages accordés seulement aux villes de plus de 100 000 habitants : « Le festival du raï à Sidi Bel Abbès est financé par le ministère de la culture, alors que nous devons nous aplatir devant nos relations pour trouver des sponsors pour la fête annuelle d’El Kala. » Pour répondre à la situation posée par les ordures et les décharges dont se plaint tout le monde, le maire répondra : « Je regrette, mais ce n’est pas seulement l’APC qui est concernée. Il faut un véritable plan de bataille à El Kala où chacun d’entre nous, pouvoirs publics et associations comprises, doit se sentir responsable et impliqué. La situation s’est nettement améliorée depuis l’année dernière, mais on est loin du résultat escompté. La plus grande part revient à la population qui doit, cependant, montrer plus d’engagement et de civisme. Et je profite de vos colonnes pour lancer encore un appel dans ce sens. » A propos des plages, le P/APC répondra qu’El Kala en gère 7 : « Malheureusement, je dois dire que le programme Algérie blanche est très en-deçà de nos espérances. Nous avons ramassé jusqu’à 10 000 bouteilles en une journée sur les plages ou les aires de stationnement. Là où les baigneurs se rincent les pieds avec l’eau de mer rapportée dans ces bouteilles. Encore une mauvaise habitude qui s’ancre dans le comportement de nos concitoyens. »
Par Slim Sadki
Une princesse en guenilles
Nombre, même approximatif. On ose un 60 000 du côté de l’APC pour laquelle la population de la ville a tout simplement quintuplé au vu des 90 tonnes d’ordures récoltées chaque jour.
Une chose est sûre, c’est complet partout, dans la dizaine d’hôtels que compte la ville, dans les pensions de famille ou colonies de vacances, des cubes à plusieurs étages avec de nombreuses fenêtres qui ont fleuri comme des champignons dans les campings, chez l’habitant, dans les garages et les villas encore en carcasses que certains locaux continuent de sous-louer sans vergogne, faisant fi du confort et de l’hygiène. Une natte jetée à même le sol en guise de couche, un jerrican d’eau pour se débarbouiller, et pour se soulager, c’est là où on peut. Même les établissements scolaires n’ont pas été épargnés par cette déferlante qui clochardise ces lieux sacrés du savoir et de l’éducation. Ceux qui ne trouvent pas de gîte se rabattent sur les plages pour passer la nuit à la belle étoile. Et les étoiles, il n’en manque pas justement dans le magnifique ciel du mois d’août baigné par la clarté lunaire.
Du monde aussi dans les rues où les encombrements sont spectaculaires, de jour comme de nuit. Des files de voitures comme on n’en a encore jamais vues. Il faut s’y prendre à temps pour faire les courses au centre-ville complètement congestionné par un plan de circulation dénué de tout bon sens, débile disent certains, et auquel il faut ajouter les extravagances des taxieurs, des frimeurs et des fils à papa qui échappent à la sanction, bien entendu. Mais El Kala, c’est aussi la splendide nature qui l’entoure, censée avoir été mise sous protection avec le parc national qui porte son nom mais qui a définitivement perdu cette distinction depuis qu’il a été profondément balafré par l’autoroute Est-Ouest. Ce sont ces collines boisées entre lesquelles se sont installés les plans d’eau scintillants comme la lagune de Mellah ou verdoyants comme les marais du Tonga. Ils font la renommée de la région bien au-delà de nos frontières à cause du spectacle qu’ils offrent certes, mais surtout pour l’inestimable richesse biologique qu’ils renferment. Tout cet ensemble baigné dans la mer le long d’un fabuleux rivage formé d’une succession de criques rocheuses et de plages au sable d’or. Elles ont l’inconvénient d’être petites et étroites et de ne plus résister aux effets dévastateurs de la surfréquentation. Des vacanciers avouent avoir rebroussé chemin pour ne pas avoir trouvé de place dans les parkings. On peut aujourd’hui en faire le tour avec ces routes ouvertes, mais qui sont autant de menaces pour ce magnifique coin du pays. De jolies petites routes jalonnées, hélas, de sachets d’ordures dont les automobilistes se débarrassent en les jetant tout bonnement par la vitre.
On dit des milliers, mais nul ne sait le nombre exact. Indéniablement, il fait bon vivre à El Kala qui a tout pour réussir et donner du bonheur, autant à ses résidants qu’à ses visiteurs, à la seule condition de préserver la généreuse nature qui l’entoure. Pour s’en convaincre, une promenade le soir. Tout le monde est dehors. Les plus vieux restent sur le seuil de leur porte et le reste des familles sortent en groupe pour aller, qui sur les corniches comme la toute nouvelle qui vient d’être aménagée entre la Pointe du chacal et la digue du port — un petit chef-d’œuvre qui a été pris d’assaut —, qui le long de la plage du Mordjane d’où l’on peut voir, sur le sable, des gens attablés qui sirotent un thé en fumant la chicha. C’est autour du fortin que c’est plus calme. Car on est dans le bain de la fête sans les inconvénients de ses décibels. Ceux prodigués par la fête perpétuelle du cours de la Révolution. Une allée ornée de palmiers, noire de monde, et où se rejoignent aussi tous les petits vendeurs de souvenirs faits de coquillages ou de bois. Elle surplombe les eaux du port dans lesquelles dansent les reflets. C’est là aussi qu’on dresse l’estrade pour les artistes, qui, pendant 10 jours, ont mis du baume au cœur et donné de la joie à une foule en délire. « Ce n’est plus la fête du corail, mais la fête d’El Kala », tient à préciser le P/APC, Hocine Berrebib, pour bien marquer la distance prise avec le pillage du corail qui enrichit ostensiblement certains, mais n’honore pas la ville.
Mais de quoi parle tout ce monde lorsqu’il se retrouve ? De tout et de rien bien entendu, mais la discussion aboutit inexorablement sur la saleté qui envahit toute la ville et ses alentours. Au café, dans les fêtes familiales, dans la rue avec des inconnus, tout le monde aborde la conversation avec une mine de dé- goût : « El Kala, c’est fantastique, mais c’est sale. » Il y a unanimité autour de ce constat qui ne date pourtant pas de cette année. « Les plages sont merveilleuses, mais pleines de détritus parfois infects », rapportent ceux qui déplorent amèrement ce gâchis. « El Kala, c’est une princesse en guenilles », la qualifiera un amoureux fou de la région, profondément affecté par la dégradation de la ville et celle causée par l’autoroute dans le parc. « C’est la faute à l’APC. Elle gaspille le peu d’énergie qu’elle a dans des luttes stériles », crie la rue exaspérée par les tas d’immondices qui pullulent dans les quartiers. « Trop facile de pointer le doigt vers la commune dont les moyens sont limités. La population a une grande part de responsabilité. Elle se cache derrière les défaillances de l’Etat pour couvrir les siennes », répliquent ceux qui sont révoltés par l’absence d’éducation et l’incivisme de leurs concitoyens. Enfin, il y a ceux qui disent : « nous sommes tous responsables. Aucun ne joue pleinement son rôle, ni l’APC, ni l’Etat, ni les associations et encore moins le simple citoyen. La guerre contre la saleté on doit la mener tous ensemble, chacun selon ses moyens et de front. »
C’est le plus sage. En effet, « l’APC d’El Kala n’a pas les moyens et les ressources pour faire face au problème que pose la récolte des ordures ménagères », nous expliquera le P/APC qui contient difficilement sa colère. « Nous sommes seuls face aux épineux problèmes que nous impose la saison estivale. Je me demande où sont passées toutes ces directions de wilaya qui assistent à la préparation et qu’on ne revoit plus, à l’instar de celle de l’environnement et du tourisme. Nous avons 80 km de rues et 600 impacts d’ordures ménagères à traiter avec une trentaine d’employés et une demi-douzaine de véhicules qui ont fait leur temps. Nous travaillons d’arrache-pied et sans relâche, même les jours fériés et les week-ends, pour ne collecter qu’une partie des 90 tonnes/jour qui sont déposées quotidiennement. Nous avons donné la priorité au centre-ville, parce que c’est le plus fréquenté, sachant que nous allons devoir faire face à la réprobation de nos concitoyens dans les quartiers. Sans oublier les citoyens et les commerçants qui jettent leurs ordures à n’importe quelle heure, ou encore le vol des bacs à ordures que nous avons payés les uns en métal à 90 000 DA/ pièce, et ceux en plastique à 30 000 DA. » Hocine Berrebib s’interroge sur le fait que les pouvoirs publics classent El Kala sur la liste des destinations les plus prisées en saison estivale, mais lui refusent certains avantages accordés seulement aux villes de plus de 100 000 habitants : « Le festival du raï à Sidi Bel Abbès est financé par le ministère de la culture, alors que nous devons nous aplatir devant nos relations pour trouver des sponsors pour la fête annuelle d’El Kala. » Pour répondre à la situation posée par les ordures et les décharges dont se plaint tout le monde, le maire répondra : « Je regrette, mais ce n’est pas seulement l’APC qui est concernée. Il faut un véritable plan de bataille à El Kala où chacun d’entre nous, pouvoirs publics et associations comprises, doit se sentir responsable et impliqué. La situation s’est nettement améliorée depuis l’année dernière, mais on est loin du résultat escompté. La plus grande part revient à la population qui doit, cependant, montrer plus d’engagement et de civisme. Et je profite de vos colonnes pour lancer encore un appel dans ce sens. » A propos des plages, le P/APC répondra qu’El Kala en gère 7 : « Malheureusement, je dois dire que le programme Algérie blanche est très en-deçà de nos espérances. Nous avons ramassé jusqu’à 10 000 bouteilles en une journée sur les plages ou les aires de stationnement. Là où les baigneurs se rincent les pieds avec l’eau de mer rapportée dans ces bouteilles. Encore une mauvaise habitude qui s’ancre dans le comportement de nos concitoyens. »
Par Slim Sadki