Eclosion de « Couleur(s) » à la croisée des chemins
Volumes pleins ou ajourés, douze artistes belges et français mettent en couleurs les parcs et jardins du château de Jehay.
Rose marshmallow, un iceberg dérive lentement sur l'eau des douves. Un rayon de soleil, les reflets d'un jet d'eau font miroiter le volume de l'assaillant bien débonnaire au profil aléatoire, morceau de peinture ou éclaboussure dispersée par Léopoldine Roux. Rappel de la façade en damier de pierres blanches et grises du château de Jehay, l'installation de Léon Wuidar donne le signal, ce passage du plan au cube qui va rythmer le travail des plasticiens, d'allées en sous-bois, clairières, petits coins de parc à l'italienne ou à la française.
Un fil rouge : la couleur. Le choix des artistes s'opère en fonction du thème. Vaste pelote à dévider sous les frondaisons des parcs et jardins du château de Jehay. Après huit années de brassage de matières, « Couleur(s) » hisse le pavois : pour les 12 artistes sélectionnés, des Français et des Belges, il s'agit de passer du plan au cube, de la surface plane de la toile au volume.
Le théorème peut paraître simpliste mais certains s'y cassent les dents, attirant le promeneur vers des propositions éculées voire sans grand relief au sein d'une manifestation annuelle valorisant l'installation d'œuvres d'art in situ et qui, pourtant, nous avait laissé une belle moisson d'impressions vivifiantes comme ce fut le cas pour l'hommage à Nic Joosen, ou encore les Arbres d'acier, l'Espace poétique ainsi que les différentes installations qui faisaient chanter le bois…
Dans le carcan du budget ordinaire – sans la coproduction d'un partenaire comme la Grande Région et de Luxembourg Capitale européenne de la culture comme ce fut le cas il y a deux saisons pour réaliser Arbres d'acier –, le commissaire Philippe Hoornaert peine visiblement à joindre les deux bouts, signe qu'il est temps, vu le succès de ce rendez-vous auprès d'un public fidèle, de ne pas laisser le projet s'affadir, surtout quand on affiche sur papier officiel de la Province de Liège « la volonté d'associer création et éducation permanente ».
Ordonnance et fouillis
Cela étant dit, promenons-nous au gré des découvertes dans ces parcs et jardins qui ménagent la parfaite ordonnance ou le délire du fouillis végétal. Entre installation/sculpture en plein air et land art – et c'est peut-être là aussi qu'il faudrait clarifier le propos –, on savoure l'intervention minimaliste de Fred Perie qui colore naturellement un entrelacs de lianes. Son effet de couleur marque une aire plus sauvage, intrigue et percute nos perceptions. Après l'acidité puérile de la Clairière de Claire Forgeot, ce souffle naturel contrebalance la belle architecture des Croix de Saint-André de Charlotte Marchal, à la fois dans des lignes et l'appropriation réussie de l'allée la plus éclairée. Au détour d'un gazon réglementaire, Francis Dusépulchre a installé ses Conversations mondaines, rappel d'un travail présenté au château de Seneffe, sur l'eau alors. Ce jeu sur le vert et le rouge de l'héraldique nous renvoie au château tout proche tout en guidant notre regard vers l'élément paysager, deux faits de l'intervention de l'homme.
Scansion majeure dans cette gamme de Couleur(s), l'œuvre d'Edith Meusnier emporte tous les suffrages. Parade suspend de grands tétraèdres entre les arbres, pièges à lumière à la fois fragiles et solides. L'artiste française emploie des matériaux communs : le bolduc est tressé sur des arêtes en bambou, fer à béton et tubes métalliques. C'est un réel bonheur, succédant heureusement au pseudomimétisme végétal un peu facilement planté de Christophe Dalecki. Parade remet en question, non seulement le végétal, le volume mais aussi la couleur, la lumière. Tressages, pliages, détournements, entre souplesse et rigidité, dévoilent un propos ludique et profond au gré duquel artifice et nature entrent en vrai dialogue plastique.
Couleur(s) au château de Jehay, parcs et jardins, Amay, jusqu'au 4 octobre. Infos : 085-82.44.00, 04-232.6.02, www.provincedeliege.be/culture
Volumes pleins ou ajourés, douze artistes belges et français mettent en couleurs les parcs et jardins du château de Jehay.
Rose marshmallow, un iceberg dérive lentement sur l'eau des douves. Un rayon de soleil, les reflets d'un jet d'eau font miroiter le volume de l'assaillant bien débonnaire au profil aléatoire, morceau de peinture ou éclaboussure dispersée par Léopoldine Roux. Rappel de la façade en damier de pierres blanches et grises du château de Jehay, l'installation de Léon Wuidar donne le signal, ce passage du plan au cube qui va rythmer le travail des plasticiens, d'allées en sous-bois, clairières, petits coins de parc à l'italienne ou à la française.
Un fil rouge : la couleur. Le choix des artistes s'opère en fonction du thème. Vaste pelote à dévider sous les frondaisons des parcs et jardins du château de Jehay. Après huit années de brassage de matières, « Couleur(s) » hisse le pavois : pour les 12 artistes sélectionnés, des Français et des Belges, il s'agit de passer du plan au cube, de la surface plane de la toile au volume.
Le théorème peut paraître simpliste mais certains s'y cassent les dents, attirant le promeneur vers des propositions éculées voire sans grand relief au sein d'une manifestation annuelle valorisant l'installation d'œuvres d'art in situ et qui, pourtant, nous avait laissé une belle moisson d'impressions vivifiantes comme ce fut le cas pour l'hommage à Nic Joosen, ou encore les Arbres d'acier, l'Espace poétique ainsi que les différentes installations qui faisaient chanter le bois…
Dans le carcan du budget ordinaire – sans la coproduction d'un partenaire comme la Grande Région et de Luxembourg Capitale européenne de la culture comme ce fut le cas il y a deux saisons pour réaliser Arbres d'acier –, le commissaire Philippe Hoornaert peine visiblement à joindre les deux bouts, signe qu'il est temps, vu le succès de ce rendez-vous auprès d'un public fidèle, de ne pas laisser le projet s'affadir, surtout quand on affiche sur papier officiel de la Province de Liège « la volonté d'associer création et éducation permanente ».
Ordonnance et fouillis
Cela étant dit, promenons-nous au gré des découvertes dans ces parcs et jardins qui ménagent la parfaite ordonnance ou le délire du fouillis végétal. Entre installation/sculpture en plein air et land art – et c'est peut-être là aussi qu'il faudrait clarifier le propos –, on savoure l'intervention minimaliste de Fred Perie qui colore naturellement un entrelacs de lianes. Son effet de couleur marque une aire plus sauvage, intrigue et percute nos perceptions. Après l'acidité puérile de la Clairière de Claire Forgeot, ce souffle naturel contrebalance la belle architecture des Croix de Saint-André de Charlotte Marchal, à la fois dans des lignes et l'appropriation réussie de l'allée la plus éclairée. Au détour d'un gazon réglementaire, Francis Dusépulchre a installé ses Conversations mondaines, rappel d'un travail présenté au château de Seneffe, sur l'eau alors. Ce jeu sur le vert et le rouge de l'héraldique nous renvoie au château tout proche tout en guidant notre regard vers l'élément paysager, deux faits de l'intervention de l'homme.
Scansion majeure dans cette gamme de Couleur(s), l'œuvre d'Edith Meusnier emporte tous les suffrages. Parade suspend de grands tétraèdres entre les arbres, pièges à lumière à la fois fragiles et solides. L'artiste française emploie des matériaux communs : le bolduc est tressé sur des arêtes en bambou, fer à béton et tubes métalliques. C'est un réel bonheur, succédant heureusement au pseudomimétisme végétal un peu facilement planté de Christophe Dalecki. Parade remet en question, non seulement le végétal, le volume mais aussi la couleur, la lumière. Tressages, pliages, détournements, entre souplesse et rigidité, dévoilent un propos ludique et profond au gré duquel artifice et nature entrent en vrai dialogue plastique.
Couleur(s) au château de Jehay, parcs et jardins, Amay, jusqu'au 4 octobre. Infos : 085-82.44.00, 04-232.6.02, www.provincedeliege.be/culture