À trois semaines de l’ouverture des Jeux olympiques
Deux records du monde battus en natation quatre nages, la deuxième performance de tous les temps sur 200 m papillon, la troisième sur 200 m, la cinquième sur 100 m papillon et la onzième sur 100 m : la semaine dernière, lors des sélections américaines de natation pour les Jeux olympiques qui commenceront le 8 août prochain, Michael Phelps, sextuple champion olympique d’Athènes, a affolé les compteurs. Une exception.
Si la natation devrait encore connaître plusieurs records du monde notamment en 100 mètres papillon hommes les autres disciplines sportives ne connaîtront bientôt plus de records. C’est ce qu’avance une étude menée par Geoffroy Berthelot et Jean François Toussaint de l’Institut de recherches médicales et d’épidémiologie du sport, à Paris. Le corps humain a presque atteint ses limites, au point qu’en 2027, il ne pourra plus battre de record et d’ici là, la moitié des records ne progresseront pas de plus de 0,05%. Partant de l’hypothèse selon laquelle il existe un plafond aux limites physiologiques de l’espèce humaine, les chercheurs de l’Irmes ont mené une étude qualitative et quantitative de 3263 records du monde dans 147 épreuves olympiques de cinq disciplines : athlétisme, cyclisme, haltérophilie, natation, patinage de vitesse, entre 1896 et 2007. Geoffroy Berthelot, ingénieur bio-informaticien, a élaboré un modèle statistique pour dresser les courbes d’évolution des records. Après deux phases riches en records (dans les années 1920 et entre les années 1950 et 1960), deux époques correspondantes aux deux Guerres Mondiales, ont connu un ralentissement. « Des périodes durant lesquelles ni les athlètes ni les sociétés n’ont le temps, les moyens ou l’envie de se consacrer à la compétition », analyse Jean-François Toussaint dans un article publié dans Libération. Enfin, un déclin « inéluctable » du nombre de records est notable depuis 1970. Les progrès techniques dans le matériel, le chronométrage ou encore les méthodes d’entraînement n’ont rien changé au fait que l’espèce humaine arrive au bout de ses capacités physiologiques. Si en 1896, le sportif de haut niveau utilisait 75% de ses capacités, un siècle plus tard, il en exploite 99%.
Les chercheurs ont ainsi établi la valeur limite du 100 m plat masculin à 9,67 secondes alors qu’il est aujourd’hui à 9,74 secondes. « Des limites, qui, dans certaines épreuves sont peut-être même déjà atteintes, dans la mesure où les records sont détenus par des sportifs soupçonnés de dopage », peut-on lire dans le magazine Science et Vie. « Le record du 100 m féminin détenu par Florence Griffith-Joyner depuis vingt ans, se situe 3% en dessous des résultats des meilleures performeuses, y témoigne Jean-François Toussaint. Il ne sera jamais battu, sauf peut-être en cas d’innovation technologique majeure, ou si les sportifs ont recours aux anabolisants ou encore si on opère une sélection génétique des sportifs dès le berceau. » L’étude, publiée dans la revue Plos One, résume : « Notre modèle, qui peut être utilisé pour comparer les futures performances athlétiques ou évaluer l’impact des politiques antidopage, annonce que les frontières physiologiques de l’homme seront atteintes d’ici une génération. Cela aura un impact sur les futures conditions des entraînements et sur l’organisation des compétitions. Et peut-être aussi sur l’esprit et la devise des Jeux olympiques, Plus loin, plus haut, plus fort.