Les humains aux yeux bleus ont-ils un ancêtre commun ?
Crédits photo : Pierre BESSARD/REA
HISTOIRES DE SAVOIR La chronique de Jean-Luc Nothias du 6 février.
Après des années d'études et de recherches, une équipe scientifique danoise ose l'affirmer : tous les humains ayant les yeux bleus, sur l'ensemble de la planète, sont les descendants d'un unique ancêtre commun. Celui-ci, homme ou femme, on ne sait pas, serait né avec une mutation génétique spontanée qui aurait transformé les yeux marron, que tout le monde avait alors, en yeux bleus. Cela se serait passé il y a entre 6 000 et 10 000 ans. Et depuis, ce caractère bleu se serait lentement mais sûrement répandu dans toutes les populations. Une conclusion basée sur des études génétiques sérieuses, mais qui ne font pas l'unanimité. Voici pourquoi.
La couleur des yeux vient de la coloration d'une partie de l'œil nommée iris. L'iris est un muscle plat et circulaire qui joue le rôle de diaphragme. Il permet d'ouvrir ou de fermer la pupille en fonction de la luminosité. Beaucoup de lumière et l'iris se resserre afin que la pupille soit très petite (jusqu'à la taille d'une tête d'épingle), peu de lumière et l'iris s'écarte afin d'agrandir la pupille et de permettre au maximum de lumière de pénétrer dans l'œil et d'aller impressionner la rétine. L'iris n'est donc pas transparent.
La couleur de l'iris provient d'un colorant unique, la mélanine, qui est également présente dans la peau ou les cheveux. Les différentes nuances de la couleur des yeux sont dues aux différences de concentration de la mélanine présente. Plus elle est abondante, plus la couleur sera foncée, moins il y en a, plus la couleur sera claire. On va donc du noir au marron et au vert. Avec parfois des mélanges. Et quand il n'y en a que très peu au bon endroit, cela donne les yeux bleus. S'il n'y en avait pas du tout, la personne serait albinos (cheveux blancs, yeux rouges).
Allons un peu plus dans le détail. La mélanine est fabriquée dans le corps en plusieurs étapes. À chaque étape interviennent des ouvrières, appelées enzymes, différentes. Qu'une seule d'entre elle soit absente et la chaîne de fabrication ne produira pas de mélanine. D'autant que, une fois fabriquée dans son usine, la mélanine doit être transportée sur les lieux où elle doit agir. Là encore, si le transport ne peut se faire, il n'y aura pas de mélanine apparente. C'est ce qu'il se passe pour les yeux bleus. La mélanine est bien présente dans les couches profondes de l'iris, mais elle ne peut pas être transportée dans les couches superficielles. L'œil apparaît bleu.
Bizarreries génétiques
Pour tout à fait comprendre, ajoutons un zeste de génétique. Chaque être humain a un patrimoine génétique qui provient pour moitié du père et pour moitié de la mère. Chaque gène est donc en double exemplaire. Pour simplifier, admettons qu'un gène unique, sur le chromosome 15, détermine la couleur des yeux. Si du côté de la mère, le gène dit «marron», tout comme du côté du père, l'enfant aura les yeux marron. Si du côté de la mère, le gène dit «bleu» mais que le père dise «marron», l'enfant aura les yeux marron. Pour qu'il ait les yeux bleus, il faut que le gène venu de la mère et celui venu du père disent «bleu». Et cela est très logique puisque nous avons vu que la mutation «yeux bleus» entraîne un non-fonctionnement d'une partie de la chaîne de fabrication-transport de la mélanine. Et la présence même d'un seul gène «marron» permet de remettre en marche l'usine à mélanine.
L'un des premiers arguments en faveur de l'ancêtre commun, d'après l'étude danoise, est que les variations dans la gamme des bleus sont bien moins importantes que dans la gamme des marrons. Ce qui indiquerait que les «bleus» sont d'une part plus récents et d'autre part proviennent d'un même individu. Les chercheurs danois ont retrouvé au niveau génétique le même cas de figure. Même mutation très conservée chez les porteurs d'yeux bleus, qu'ils soient scandinaves, turcs ou jordaniens, et même grande variabilité génétique pour les yeux bruns. Il semble donc que la mutation qui a affecté il y a quelques milliers d'années le gène principal déterminant la couleur des yeux ait été ce que l'on appelle une mutation fondatrice, à l'origine de tous les yeux bleus du monde.
Mais les généticiens ne peuvent exclure d'autres hypothèses. Ainsi, il n'est pas impossible que cette mutation soit survenue plusieurs fois, indépendamment les unes des autres. Ensuite d'autres mutations que celle-là peuvent conduire aux yeux bleus. Et que des bizarreries génétiques peuvent aussi conduire des parents aux yeux bleus à avoir un enfant aux yeux marron. Mais, pour nous résumer, les yeux bleus résultent bien d'une mutation récente affectant au moins un gène «directeur» de la couleur des yeux. La question de l'ancêtre unique reste posée…
Crédits photo : Pierre BESSARD/REA
HISTOIRES DE SAVOIR La chronique de Jean-Luc Nothias du 6 février.
Après des années d'études et de recherches, une équipe scientifique danoise ose l'affirmer : tous les humains ayant les yeux bleus, sur l'ensemble de la planète, sont les descendants d'un unique ancêtre commun. Celui-ci, homme ou femme, on ne sait pas, serait né avec une mutation génétique spontanée qui aurait transformé les yeux marron, que tout le monde avait alors, en yeux bleus. Cela se serait passé il y a entre 6 000 et 10 000 ans. Et depuis, ce caractère bleu se serait lentement mais sûrement répandu dans toutes les populations. Une conclusion basée sur des études génétiques sérieuses, mais qui ne font pas l'unanimité. Voici pourquoi.
La couleur des yeux vient de la coloration d'une partie de l'œil nommée iris. L'iris est un muscle plat et circulaire qui joue le rôle de diaphragme. Il permet d'ouvrir ou de fermer la pupille en fonction de la luminosité. Beaucoup de lumière et l'iris se resserre afin que la pupille soit très petite (jusqu'à la taille d'une tête d'épingle), peu de lumière et l'iris s'écarte afin d'agrandir la pupille et de permettre au maximum de lumière de pénétrer dans l'œil et d'aller impressionner la rétine. L'iris n'est donc pas transparent.
La couleur de l'iris provient d'un colorant unique, la mélanine, qui est également présente dans la peau ou les cheveux. Les différentes nuances de la couleur des yeux sont dues aux différences de concentration de la mélanine présente. Plus elle est abondante, plus la couleur sera foncée, moins il y en a, plus la couleur sera claire. On va donc du noir au marron et au vert. Avec parfois des mélanges. Et quand il n'y en a que très peu au bon endroit, cela donne les yeux bleus. S'il n'y en avait pas du tout, la personne serait albinos (cheveux blancs, yeux rouges).
Allons un peu plus dans le détail. La mélanine est fabriquée dans le corps en plusieurs étapes. À chaque étape interviennent des ouvrières, appelées enzymes, différentes. Qu'une seule d'entre elle soit absente et la chaîne de fabrication ne produira pas de mélanine. D'autant que, une fois fabriquée dans son usine, la mélanine doit être transportée sur les lieux où elle doit agir. Là encore, si le transport ne peut se faire, il n'y aura pas de mélanine apparente. C'est ce qu'il se passe pour les yeux bleus. La mélanine est bien présente dans les couches profondes de l'iris, mais elle ne peut pas être transportée dans les couches superficielles. L'œil apparaît bleu.
Bizarreries génétiques
Pour tout à fait comprendre, ajoutons un zeste de génétique. Chaque être humain a un patrimoine génétique qui provient pour moitié du père et pour moitié de la mère. Chaque gène est donc en double exemplaire. Pour simplifier, admettons qu'un gène unique, sur le chromosome 15, détermine la couleur des yeux. Si du côté de la mère, le gène dit «marron», tout comme du côté du père, l'enfant aura les yeux marron. Si du côté de la mère, le gène dit «bleu» mais que le père dise «marron», l'enfant aura les yeux marron. Pour qu'il ait les yeux bleus, il faut que le gène venu de la mère et celui venu du père disent «bleu». Et cela est très logique puisque nous avons vu que la mutation «yeux bleus» entraîne un non-fonctionnement d'une partie de la chaîne de fabrication-transport de la mélanine. Et la présence même d'un seul gène «marron» permet de remettre en marche l'usine à mélanine.
L'un des premiers arguments en faveur de l'ancêtre commun, d'après l'étude danoise, est que les variations dans la gamme des bleus sont bien moins importantes que dans la gamme des marrons. Ce qui indiquerait que les «bleus» sont d'une part plus récents et d'autre part proviennent d'un même individu. Les chercheurs danois ont retrouvé au niveau génétique le même cas de figure. Même mutation très conservée chez les porteurs d'yeux bleus, qu'ils soient scandinaves, turcs ou jordaniens, et même grande variabilité génétique pour les yeux bruns. Il semble donc que la mutation qui a affecté il y a quelques milliers d'années le gène principal déterminant la couleur des yeux ait été ce que l'on appelle une mutation fondatrice, à l'origine de tous les yeux bleus du monde.
Mais les généticiens ne peuvent exclure d'autres hypothèses. Ainsi, il n'est pas impossible que cette mutation soit survenue plusieurs fois, indépendamment les unes des autres. Ensuite d'autres mutations que celle-là peuvent conduire aux yeux bleus. Et que des bizarreries génétiques peuvent aussi conduire des parents aux yeux bleus à avoir un enfant aux yeux marron. Mais, pour nous résumer, les yeux bleus résultent bien d'une mutation récente affectant au moins un gène «directeur» de la couleur des yeux. La question de l'ancêtre unique reste posée…